chanson pour une orange ivre

ma tête est bleue comme une cange
dont j'aurais rancé la carène
d'éclisses bleues comme les anges
j'ai jeté les rats aux murènes

ma tête ploie comme une nef
qu'on a chargée de boniments
la lune est d'un beau brun de leffe
l'eau a le delirium tremens

tout l'équipage est sur le pont
à regarder la mer grossie
on entend dupont et dupond
tue-têter du tino rossi

un mousse pousse haut sa huppe
je l'envoie sur la hune et drosse
au mat, bientôt, d'étranges drupes...
la mer écopera des os

la mer aboie, il y a mille ou
deux mille requins au bas mort
quoique leur vigne ait le mildiou
le vin des vagues mord encore

seul l'errant lui aussi s'en saoule
un rayon scie sa coque... chut !
phare annoncé au ras des houles...
ma nef au fond des mers s'est tue

(écrit ici, un soir d'octobre)

(et le lendemain scotché sur un vieil air)

(qui n'a pas tenu, d'où rustine, entre l'avant et dernier vers :

ma tête fond, les alcools coulent
les flots les font, ma tête roule
son bateau coule

ajoutée la semaine d'après)