chanson pour c & t

(sur un poème de jean de la flaubert)

deux pigeons s'aimaient d'amour tendre
l'un d'eux s'ennuyant au logis
fut assez fou pour entreprendre
un voyage en lointain pays

l'autre lui dit : qu'allez-vous faire
voulez-vous quitter votre frère
l'absence est le plus grand des maux
non pas pour vous, cruel. au moins, que les travaux
les dangers, les soins du voyage
changent un peu votre courage
encor si la saison s'avançait davantage
attendez les zéphyrs. qui vous presse ? un corbeau
tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau
je ne songerai plus que rencontre funeste
que faucons, que réseaux. hélas, dirai-je, il pleut
mon frère a-t-il tout ce qu'il veut
bon soupé, bon gîte, et le reste

ce discours ébranla le cœur
de notre imprudent voyageur
mais le désir de voir et l'humeur inquiète
l'emportèrent enfin. il dit : ne pleurez point
trois jours au plus rendront mon âme satisfaite
je reviendrai dans peu conter de point en point
mes aventures à mon frère
je le désennuierai : quiconque ne voit guère
n'a guère à dire aussi. mon voyage dépeint
vous sera d'un plaisir extrême
e dirai : j'étais là ; telle chose m'avint
vous y croirez être vous-même

il voyagea
il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l'étourdissement des paysages et des ruines, l'amertume des sympathies interrompues
il revint...
                ...maudissant sa curiosité
traînant l'aile et tirant le pié
demi-morte et demi-boiteuse
droit au logis s'en retourna
que bien, que mal, il arriva
sans autre aventure fâcheuse
voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger
de combien de plaisirs ils payèrent leurs peines

amants, heureux amants, voulez-vous voyager ?