chanson pour jérémie g, voire sylvie t

(au bois du cœur de jérémie)

au bois du coeur de jérémie
une jolie fleur clandestine
voulait se mêler aux branchages

d'abord une graine endormie
vingt-et-trois ans, ambre de chine
endormie comme un coquillage

une aile l'avait, ingénue
déposé là, bonne fortune
et le vent recouvert ses traces

à peine née, encore nue
elle sentit la terre brune
et le printemps, dehors, hélas

corolle basse, main jolie
enveloppa ses étamines
mit pétale à leur tendre sabre

la tige, un bouton en vigie
fit route, évitant les racines
pour ne pas renverser les arbres

une nuit enfin, air en vue
air murmuré du haut de hune
et les odeurs, d'été, d'orage

elle vint alors dévêtue
baigner sa robe au clair de lune
et conter fleurette aux nuages

lasse elle y vit l'astre pâlie
tu as, lui dit-elle enfantine
l'orbe de nuit pour tous voyages

je vis aux vents, tu les relies
au horizons, on me piétine
lune, dis-moi, dis tes voyages

[sifflotement]

la rose des vents réunie,
j'ai, dit l'astre, une nuit marine
et la voûte diurne en naufrage

tu es comme l'étoile aux nues
ouvrant sa corolle d'écume
dans la clairière des nuages

tu es sa soeur et son amie
quand pour qu'il te cueille elle incline
le ciel enivré vers le soir

si pour les sots, les sans envies
vous n'êtes rien, un qui chemine
avec dans vos yeux ses regards

vous a pour seule compagnie
l'étoile timide en pluie fine
et un beau brin de fleur sauvage

au bois du coeur de jérémie
de petites fleurs clandestines
en douce ont poussé dans l'ombrage
1998, où des manteaux poussent aux corneilles